Le Cloud Computing : solution miracle ou coup d’épée dans l’eau ?
Obscur pour certains, miraculeux pour d’autres, les trois conférenciers, Jean-Claude Tagger, Professeur de Marketing à Skema Business School, Jean-Max Verseille d’Orange Business Service et Bruno Doucende, Enseignant au Groupe 4, ont proposé un état des lieux objectif des techniques liées au Cloud Computing. Alors doit-on en avoir peur ou doit-on lui ouvrir grand les bras ? Réelle innovation ou simple buzz marketing ? Quoi qu’on en pense le Cloud Computing est plus que jamais, aujourd’hui au centre des débats.
On ne fera pas de l’élitisme et il serait bien présomptueux d’entamer ce propos sans répondre à cette première question : Qu’est ce que le Cloud Computing ? Nous retiendrons la définition apportée par Jean-Max Verseille, « le Cloud Computing est un accès à la demande à des ressources informatiques sans infrastructures propriétaires au travers d’un réseau ». Autrement dit et en vulgarisant un peu, c’est le principe d’une boîte mail. On dispose avec sa messagerie d’un service informatique (envoi de courriers électroniques), sans disposer ni d’un logiciel sur son terminal, ni de ses propres serveurs pour stocker ses messages. Le tout via le réseau internet. Le Cloud, ce n’est finalement pas plus compliqué que ça… Mais cela touche des domaines bien plus vastes que l’échange de courriers.
Deux secteurs sont alors isolés par l’expert d’Orange, les infrastructures et les applications. Si le premier s’adressera plus particulièrement aux informaticiens, « si avant on leur vendait des serveurs physiques, maintenant on leur propose une machine virtuelle… Mais la substance reste la même ! » ; le second est plus large et concerne les métiers, « ils recherchent constamment l’application qui va leur permettre d’être en avance sur le business », continue Jean-Max Verseille. « Le Cloud a vocation à répondre à ces besoins. »
Quid alors des usages du Cloud aujourd’hui ? « On utilise tous un mode Cloud Computing depuis longtemps déjà », ironise alors Jean-Claude Tagger. « N’avez vous pas tous une messagerie individuelle dont le serveur est situé ailleurs que chez vous ? Et bien cet « ailleurs », c’est déjà dans les nuages ! » Plus sérieusement, le spécialiste en marketing évoque ensuite ce chiffre : 10 à 20% des entreprises possèdent, à l’heure actuelle, une majorité de leurs applications dans le Cloud, mais près de ¾ des entreprises ont au moins une application Cloud. Il précisera ensuite que le phénomène est encore aujourd’hui une tendance, une tendance forte, mais qui doit être confirmée dans les usages. « En allant à fond dans cette logique, on pourra imaginer, un jour, des entreprises sans informaticiens ! »
Des atouts indéniables
Mais alors quelles sont ces plus-values tant vantées qui bouleverseraient notre conception de l’informatique ? Elles sont bien sûr avant tout économiques. Utiliser le Cloud permettrait une réduction très importante des coûts pour les entreprises, grâce au modèle « à la demande » (on ne paye que ce qu’on utilise), aux économies d’énergies (les serveurs sont gérés par le prestataire Cloud et leur utilisation est optimisée) et grâce à la mutualisation. Pour ce dernier aspect, les applications ne sont plus développées au cas par cas, mais doivent permettre, par leur souplesse, d’être utilisées par tous les types d’entreprises. On a donc une mutualisation des coûts qui permet d’optimiser les outils mis à disposition et de réduire les frais de chacun, car ceux-ci sont partagés. « C’est un réel avantage pour les PME qui, pour quelques centaines d’euros par mois, se voient mettre à leur disposition des outils qui avant n’étaient pas accessibles, du fait du coût des licences », poursuit en ce sens Jean-Max Verseille.
Une plus-value du côté de la disponibilité bien sûr, puisque du moment que l’on a accès à internet, les applications stockés dans le Cloud deviennent accessibles.
Des opportunités marketing enfin, pour les prestataires de services informatiques, qui vont se mettre à développer des solutions Cloud Computing.
Des écueils, qu’il convient de prendre au sérieux
Pourquoi si l’on considère tous les avantages précités, les entreprises sont-elles si frileuses à se lancer dans l’aventure ? « On a bien sûr un phénomène normal de résistance au changement », avance alors Jean-Claude Tagger. Mais encore ? « Au delà, il y a de réelles questions quant à la performance des technologies … » Que l’on ne s’y trompe pas, en théorie ces performances ne se verront pas tronquées par rapport à des applications locales, au contraire… « Mais se posent tout de même des questions de disponibilité. Bien sûr les prestataires du Cloud affichent des disponibilités de 99,99%, mais qu’en est-il des opérateurs réseaux ? Si toutes les applications d’une entreprise sont stockées à l’extérieur et qu’une coupure réseau survient une journée, c’est toute l’entreprise qui est paralysée une journée. » La question mérite d’être prise au sérieux, d’autant que même si les débits ne font que prendre de l’ampleur, si tout le monde l’utilise pour tout ses process, on n’est pas à l’abri de la saturation. « Il ne faudra pas tout déléguer au Cloud et certainement en garder à l’échelle de l’entreprise pour parer à ces éventuelles difficultés », conclut sur cette question Jean-Claude Tagger.
Autre sujet, autre problème envisagé : la sécurité des données. Psychose ou réels enjeux, les conférenciers semblent assez unanimes. Les problèmes liés à la sécurité ne sont pas réellement amplifiés lorsque l’on utilise le Cloud. « Ces problèmes sont les mêmes que pour les systèmes d’informations en général. La solution reste le cryptage avec les problèmes corollaires d’action sur les données cryptées : c’est un vrai sujet de recherche. Aujourd’hui on a du mal à travailler et à agir sur des données cryptés, sans passer par un décryptage », avance sur ce sujet Bruno Doucende. « Au contraire, assure sur le sujet de la protection des données Jean-Max Verseille, votre centre de serveurs dans le Cloud sera équipé de la dernière version du pare-feux le plus performant, avec des mis à jour en temps réel. La petite PME du coin n’aurait pas forcément pu se le permettre. »
Reste un écueil non négligeable, celui des solutions juridiques. Le stockage externe des données, personnelles, notamment, poussent à se poser certaines questions. Pour y répondre, parole à Jean-Marie Nazarenko, correspondant informatique et liberté de l’Incubateur Belle de Mai.
Interview Jean Marie Nazarenko – Conférence… par incubateurbelledemai
En somme, et comme souvent, le Cloud Computing n’est ni tout blanc ni tout noir. Ni un miracle ni une bombe à retardement. La vérité est entre les deux, et le salut résidera dans les modalités d’usage : savoir disposer du Cloud lorsque celui-ci apporte de réels avantages, sans pousser l’utilisateur vers des travers périlleux.
Quoi qu’il en soit, les débats sont loin d’être terminés, notamment concernant la sécurité des données personnelles. Nous sommes à une époque charnière sur ce sujet, et les récentes conclusions de la CNIL risquent bien de donner un grand coup dans la fourmilière. Affaire à suivre.