Robotique : un avenir automatisé ?
La robotique est un de ces domaines qui a (presque) toujours fait fantasmer l’homme. Des premiers automates aux plus avancés des androïdes, en passant par la science-fiction, la possibilité de créer un mécanisme capable de réaliser nos tâches à notre place – et parfois même mieux que nous – remonte à plusieurs siècles. Plongée dans la profonde histoire de la robotique et état de l’art d’un domaine qui n’a pas fini d’agiter nos cellules grises.
Connaissez-vous l’histoire de la robotique ? Vous citerez certainement les premiers automates du XIXe siècle. Mais savez vous que certains font remonter ses origines à l’invention de la roue sumérienne, 2600 ans av. J-C ? Et que les premiers automates ne sont pas apparus au XIXe siècle mais bien au XVIIIe et que le plus significatif d’entre eux était un « canard digérateur », créé par le Français Jacques de Vaucanson en 1738 ?
Bien sûr, ces inventions relèvent plus de l’anecdote savoureuse que d’avancées scientifiques significatives. Mais elles préfigurent bien d’un bon technologique à l’aube du XXe siècle : l’avènement des automates. Qu’est ce qu’un automate ? C’est un appareil renfermant divers dispositifs mécaniques et/ou électriques, qui lui permettent d’exécuter une séquence déterminée d’opérations de manière synchronisée. Voilà pour la définition.
De la science-fiction à l’industrie automobile
Un automate permet de réaliser automatiquement (sans l’intervention d’un humain) des tâches simples, souvent un mouvement répétitif, pré-programmé. Largement utilisés dans l’industrie, ils ont aussi été pensés dès leurs premiers jours pour divertir.
Des automates vint l’ère de la cybernétique. Ici, nous ne sommes plus face à des actions programmées qui se répètent à l’infini, mais bien à un mécanisme capable d’interagir avec certaines composantes de son environnement. D’ajuster son action en fonction de la température ou de la luminosité par exemple.
Mais il faudra attendre 1920 pour entendre parler pour la première fois de robots. Et je dis bien « entendre parler » : la première apparition du mot « robot » intervient dans une pièce de théâtre de Karel Capek Rossum’s Universal Robots. En effet, ce « premier robot de l’histoire » est – dans la pièce de Capek – capable d’effectuer tous les travaux humains. C’est ensuite au tour d’Isaac Asimov d’entrer dans l’histoire en publiant les fameuses lois de la robotique dans les années 40 et en imaginant un univers futuriste où humains et robots cohabitent.
Que s’est-il passé dans le vrai monde ? Il faut en réalité attendre les années 60 pour voir le robot commencer à intégrer l’industrie. L’industrie automobile notamment, pour souder, peindre… Car à y regarder de près, le robot a bien des avantages : il est précis et minutieux, il ne demande pas de salaire, ni de repos. Alors dans l’industrie, certes, mais aussi la vie domestique : des robots se sont mis à couper la pelouse ou passer l’aspirateur.
Plus significatif encore, un robot n’est pas sensible aux conditions de travail difficiles, voire dangereuses. C’est ce qui explique le développement de ses usages militaires, ainsi que ceux – plus célèbres – des explorateurs de l’espace.
Bref, le robot n’est plus un concept de science-fiction depuis longtemps. Mais il y a une part de fantasme toujours prégnante dans le domaine : celle de l’humanoïde.
L’humanoïde, le robot humain
Lorsque l’homme envisageait à travers l’art la vie extra-terrestre, il la pensait souvent à son image. Ou en tout cas, proche d’une physionomie « humaine », mais avec un gros cerveau ou tout simplement une peau verte ou bleue. Souvent dotée de capacités supérieures aux siennes. C’est très naturel, cela s’appelle de l’anthropomorphisme. Et bien dans le domaine la robotique, c’est à peu près pareil : l’homme a toujours été fasciné par la création d’une mécanique à son image. Voire dépassant ses propres possibilités.
Au point que les humanoïdes – ou androïdes – soient devenus un pan entier de la robotique. Et soient encore aujourd’hui un des secteurs qui connait les avancées les plus spectaculaires. On pense à l’intelligence artificielle bien sûr, qui serait en passe de s’imposer comme le prochain bon technologique majeur que connaitra le domaine. Mais on y reviendra.
Commençons par vous présenter ces humanoïdes. Ou en tout cas les plus célèbres d’entre eux. Nao ? Asimo ? Ces noms vous disent quelque chose ? Ils sont quelques uns des androïdes déjà développés les plus célèbres.
Nao est un des rares androïdes à être disponible sur le marché et accessible pour quelques milliers de dollars. Il est défini par son concepteur Aldebaran comme un robot de compagnie, « il peut se déplacer, vous reconnaître, vous entendre et même vous parler ! Aldebaran a créé NAO pour être un véritable compagnon au quotidien », explique la marque.
Au delà de divertir vos chères petites têtes blondes, Nao est avant tout utilisé dans l’éducation, « dans plus de 70 pays, il s’est installé dans les classes d’informatique ou de sciences, du primaire jusqu’à l’université. Grâce à lui, les étudiants apprennent la programmation de manière ludique et appliquée », poursuit Aldebaran.
Asimo est de son côté l’androïde de Honda. Fruit d’une longue lignée de prototypes développés par la marque automobile, Asimo se distingue avant tout par ses qualités de mobilité : il propose certainement le résultat le plus pertinent quant à s’approcher au plus près de la démarche humaine (il propose aussi des dimensions plus proches de notre physionomie).
Développé pour devenir à terme un robot d’aide aux personnes âgées ou victimes d’un handicap, Asimo est pour le moment un robot de recherche : il n’est donc pas commercialisé. Néanmoins, il a déjà été prêté pour quelques événements publics. Il a aussi été loué par de grandes entreprises comme IBM, afin de remplir la tâche d’hôte d’accueil.
Mais ces deux modèles ne sont pas les seuls, on peut aussi citer le robot-mannequin HPR-4C ou son homologue bricoleur HPR-3. Sans oublier, le Partner Robot de Toyota, qui peut courir à 7km/h. Bref, le robot humanoïde a depuis longtemps quitté les écrans de cinéma pour investir les laboratoires du monde entier.
Pourquoi innover dans le développement d’humanoïdes ?
On a déjà listé un certain nombre de raisons qui expliquent l’attrait permanent des développeurs pour les robots androïdes. Et si ce n’était plus seulement l’humain qui progressait dans sa connaissance des robots, mais le robot qui permettait aux chercheurs d’en apprendre plus sur l’humain ?
Car oui, parfois les rôles s’inversent. En voilà pour témoin le projet européen RobotCub : six petits robots humanoïdes de la taille d’un enfant de trois ans nommés iCub ont été construits et dispersés dans six laboratoires du continent. Avec comme objectif non plus uniquement de progresser dans le développement d’androïdes, mais de mieux comprendre à travers l’apprentissage d’iCub les mécanismes d’apprentissage de l’humain.
« Quand iCub a rejoint notre laboratoire de l’Inserm, il était déjà capable de bouger. Mais il ne savait pas faire grand chose d’autres. Il ne reconnaissait pas les objets, n’était pas capable de les saisir. Nous avons des collaborations avec des collègues qui étudient le développement cognitif chez l’homme. Nous exploitons toute notre connaissance de la cognitive humaine et essayons d’implanter ça dans le robot », racontait à Arte Peter Ford Dominey, directeur de recherche en neurosciences et robotique.
L’idée est donc en faisant progresser l’humanoïde, de mieux comprendre comment notre cerveau s’organise lorsqu’il est en phase de développement. Lorsque nous apprenons. Et au final de mieux comprendre grâce au développement du robot, comment s’articulent chez l’homme la perception, l’action et le langage.
Car ce qui relève parfois de l’instinct pour un enfant – interagir avec un adulte, rentrer dans un jeu en en comprenant la logique – demande au robot un grand nombre de compétences. C’est là le nerf de la guerre : pour faire passer la robotique au stade suivant, pour entrer dans l’ère de l’intelligence artificielle, il faut que la machine soit capable d’apprendre et de s’adapter.
L’intelligence artificielle, prochain bon technologique ?
L’intelligence artificielle est déjà à l’oeuvre. On pense au projet « Giraffe » dans lequel un « machine learning » a permis à une intelligence artificielle de devenir en seulement 72 heures aussi performant que 2,2% des machines les plus agiles aux échecs. « A la différence des joueurs d’échecs virtuels qui existent aujourd’hui, Giraffe tient sa force de jeu non pas de sa capacité à anticiper longtemps à l’avance, mais à celle d’être capable de discerner les positionnements les plus pertinents avec exactitude et à comprendre des situations complexes qui peuvent sembler intuitives aux yeux des humains, mais qui ont longtemps été hors d’atteinte pour les machines », expliquait Matthew Lai, le concepteur de Giraffe.
On retrouve ici la logique du projet RobotCub : c’est en permettant au robot d’approcher ce fameux instinct propre au vivant que l’on développera des intelligences artificielles de plus en plus performantes. Et ce n’est ici que quelques exemples parmi d’autres d’une avancée de la robotique qui intéresse jusqu’aux CEO des plus grands groupes de l’univers digital. Microsoft et Facebook ont déjà investi dans des laboratoires dédiés.
Grâce à des algorithmes de plus en plus puissants, des machines sont déjà capables de dépasser nos capacités dans des domaines de compétences jusque là réservés strictement à l’humain. « Les algorithmes sont désormais capables d’identifier les comportements humains avec plus de précision que les humains eux-mêmes, comme on a pu le voir avec le dépistage de patients schizophrènes », apprend ton sur le site spécialisé RSNLmag.
Autre technologie émergente qui laisse à penser que la robotique tend à connaître un développement certain, celle de l’apparition des robots sociaux. Un exemple ? Nadine. Elle est capable de regarder quelqu’un dans les yeux, de le reconnaître, de lui serrer la main et d’échanger avec lui en se rappelant d’une conversation passée… Sauf que Nadine n’est pas votre voisine du 5e. Nadine est un robot socialement intelligent, création d’une unité de recherche de l’Université de Singapour.
Que ce soit dans l’industrie avec des machines de plus en plus autonomes, adaptables et performantes, dans l’aide à la personne avec des androïdes en mesure d’assister des personnes âgées, victimes d’un handicap ou de jeunes enfants, les exemples ne manquent pas du développement toujours plus rapide de la robotique.
Sommes nous prêt pour une généralisation de la robotique ?
Car qui dit développement de l’automatisation d’un côté et de l’intelligence artificielle de l’autre, dit forcément questionnement éthique. Notre société est-t-elle prête à franchir un nouveau cap dans l’automatisation ?
« Si nous sommes prêts à redéfinir l’emploi dans le sens d’un travail auprès des personnes et pour les personnes, et à le rendre possible grâce à un revenu de base sans condition, nous pourrons considérer le progrès de l’automatisation comme une chance ; notamment lorsqu’elle permet d’affranchir les personnes de tâches monotones et sans intérêt. C’est aussi une bénédiction pour l’environnement, parce que cette forme de travail et la « consommation » d’attention humaine ménagent les ressources de la nature. C’est à nous qu’il incombe de décider si l’automatisation est une bénédiction ou une malédiction », se positionne pour The European, le chercheur allemand Götz Werner.
Une chose est sûre : comme beaucoup de bons technologiques, ces évolutions majeures doivent être immédiatement accompagnées de réflexions permettant des évolutions sociétales. Pour que nos sociétés dans leur ensemble ne subissent pas la technologie, mais quelles en soient des acteurs de premier plan.
KOMA : d’Astro à Pluto, une évolution de la robotique. Crédits : Northern Rubio