Enrichir le réel, les technologies, les perspectives

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Écrit par Kunckler Florian

La possibilité d’enrichir le réel n’est plus une posture de science-fiction depuis près de 10 ans maintenant, avec le développement de la réalité augmentée. Ce n’est pourtant pas à ce jour une posture qui s’est totalement généralisée. Etat des lieux de technologies bien réelles, de leurs enjeux et de leur avenir.

De quoi parle-t-on ?

Quant à « enrichir l’existant », plusieurs possibilités existent déjà. On en distinguera trois. Trois technologies qui ne relèvent plus de la science-fiction.

L’holographie. Technologie popularisée notamment par l’apparition de la voluptueuse princesse Leia dans le saga Star Wars, l’holographie consiste à projeter dans l’espace l’image d’un objet en 3D. Les utilisateurs peuvent alors l’observer à l’oeil nu. L’objectif premier de cette technologie ? Donner vie à un objet, à une personne. Ainsi, l’holographie n’est pas qu’une fantaisie de science-fiction. Elle a déjà été utilisée – notamment – pour redonner vie à Michael Jackson ou au rappeur Tupac Shakur sur scène.

Comment ça marche ? Et c’est là que le bât blesse. On ne peut pour l’instant projeter cet objet virtuel sans un écran ou sans un artifice visuel, des parois semi-réfléchissantes par exemple. La technologie est par conséquent encore assez coûteuse et s’accompagne le plus souvent d’une boite holographique.

Les perspectives ? Autre frein à son développement, les imperfections dans le rendu des couleurs et la difficulté à restituer des scènes complexes. Bref, ce n’est pas sur ce cheval que les géants du web mises aujourd’hui. Holosens, le device – présenté en début d’année par Microsoft – se vantant de projeter ce type d’objets virtuels, est un réalité un appareil de réalité augmentée, capable de proposer des expériences de réalité virtuelle.

La réalité virtuelle. Ces deux autres technologies présentent des perspectives plus florissantes. Commençons par la réalité virtuelle. Son principe – toujours assez simple – consiste à placer l’utilisateur dans un environnement virtuel grâce à un appareil immersif – un casque, des lunettes. Une application célèbre ? L’Oculus Rift racheté par Facebook. Mais aussi le Morpheus, développé par Sony.

Comment ça marche ? Un écran plat couvrant la majeure partie du visage, affiche une image stéréoscopique qui – grâce à un phénomène optique – augmente le champ visuel. Des capteurs placés sur le casque détectent les mouvements de l’utilisateur et permettent d’adapter l’image en temps réel. Créant l’illusion d’une immersion totale.

Les applications ? Vous voilà parti pour un voyage ultra-immersif dans une réalité virtuelle. Seuls l’odorat et votre sens de l’équilibre vous rappellent encore que vous vivez dans une autre réalité : l’expérience a le mérite d’être particulièrement dépaysante. Des usages ? Dans le prolongement du jeux vidéo, notamment. Explorer des mondes imaginaires ou passés. Vous mettre dans la peau d’un animal… Le champ des possibles est quasi-infini.

Les perspectives ? Elles sont plutôt réjouissantes. Le rachat par Facebook de l’Oculus Rift est un bon argument en faveur de la technologie : à l’avenir, les écrans ont certainement l’ambition de vous plonger plus profondément dans le virtuel.

L’Usine Digitale s’est posée une autre question : pourquoi maintenant – alors qu’on parle de réalité virtuelle depuis le début des années 90 ? « Tout simplement parce que de nouvelles technologies numériques — nées de l’engouement pour les smartphones et de la course technologique à laquelle se livrent leurs fabricants depuis une dizaine d’années — permettent de la démocratiser. »

Le média de poursuivre : « La puissance et la qualité des composants des smartphones ont augmenté exponentiellement, tandis que leur taille et leur coût se sont réduits, les rendant plus accessibles. Les capteurs permettent de suivre parfaitement les mouvements de la tête et du corps. Les écrans affichent une résolution plus élevée que jamais et une latence quasi-nulle. Leur miniaturisation a surtout permis la conception d’interfaces immersives hyperréalistes — les casques de réalité virtuelle — plébiscités et financés notamment grâce à l’économie participative. »

La réalité virtuelle pourrait notamment être un des futurs du jeux vidéo, mais pas seulement. À l’instar de ce dernier qui a vu son champ significativement s’élargir ces dernières années (serious games, éducation par le jeu vidéo…), les applications dépassent largement la simple perspective ludique.

Quant à ses freins, ils sont pour certains inhérents à la promesse de la techno : vous coupez du réel. Ainsi difficile de garder un pied dans la vraie vie avec un tel appareil : l’expérience a la particularité d’être assez exclusive. Au sens littéral du terme. Mais les réticences tiennent aussi au bouleversement des sens et à la réaction physiologique induite : un peu compliqué peut-être pour ceux qui ne sont pas capables de faire 10 minutes de voiture sans avoir la nausée.

Les freins sont enfin ergonomiques. « Porter un casque constitue une contrainte physique aussi décourageante que porter des lunettes actives pour accéder à la vision 3D. Une contrainte à l’origine du grand flop de la télévision 3D, perçue pourtant comme un Eldorado après le succès du film Avatar », assume Ridha Loukil de l’Usine Digitale dans un article du 25 avril 2015.

Malgré tout, la réalité virtuelle est aujourd’hui – pardonnez-nous la formule – tout ce qu’il y a de plus réel. Et même si les principaux terminaux sont toujours en développement, la mise sur le marché est annoncée par le constructeur de l’Oculus Rift pour la fin de l’année 2015.

La réalité augmentée. Elle, on la voit déjà partout. Et depuis un certain temps. Du paquet de céréales au dispositif de visite d’un musée.

Son principe ? Enrichir visuellement des informations ou une image existante, générées par un terminal. Pour cela, on doit disposer d’un objectif pour filmer une scène existante et d’un écran pour la restituer et l’augmenter.

Ses applications les plus pérennes ? Elles sont tellement nombreuses qu’il serait compliqué d’être exhaustif. On en citera deux, qui par le public qu’elles visent et les perspectives qu’elles offrent, sont incontournables.

On évoque bien sûr les Google Glass. Elles ont littéralement défrayé la chronique à tous les stades de l’avancée du projet. Concept futuriste, à mi-chemin entre les technologies de Minority Report et le monocle de Vegeta dans Dragon Ball Z, le device de la firme de Mountain View ne propose rien de moins que d’enrichir en temps réel votre quotidien.

Cette paire de lunettes est équipée « d’une caméra intégrée, d’un micro, d’un pavé tactile sur l’une des branches, de mini-écrans, d’un accès à internet par Wi-fi ou Bluetooth et depuis sa version 2 d’un écouteur branché sur la branche droite des lunettes en mini-USB. Ces lunettes permettaient ainsi d’accéder à la plupart des fonctionnalités de Google : Google Agenda, reconnaissance vocale, Google+, horloge/alarme, météo, messages (SMS, MMS, courrier électronique), appareil photo, GPS (Google Maps), Google Latitude… » Le tout directement sur un écran situé sur vos lunettes.

Permettaient ? Le projet – faute d’applications et de réel engouement – est au point mort depuis l’automne 2014. Mais il pourrait bien renaître de ses cendres. Un nouveau groupe de travail aurait été constitué : « ce groupe serait en charge du projet Aura, qui comprendrait à la fois les Google Glass mais aussi d’autres innovations dans le domaine des objets connectés. Il s’agit donc d’aller plus loin que les seules Google Glass » , expliquait dans un article du 17/09, le site cnetfrance.fr.

Bien sûr, il reste des freins évidents au développement de ce type de terminaux. Celui du respect de la vie privée notamment, pour qui est capable en un battement de cil d’enregistrer la scène qu’il a devant les yeux.

Autre développement, plus modeste celui-ci, mais qui a révolutionné son petit milieu : celui des caméras embarquées. Plusieurs fabricants proposent désormais d’enrichir les contenus de ces petits dispositifs – accrochés sur les casques des amateurs de VTT ou au bout des bâtons des skieurs par exemple – de données GPS mesurant l’activité. Une descente à skis filmée avec votre vitesse qui apparaît sur l’écran ? Une montée en trail running avec la mesure du dénivelé positif effectué qui enrichit votre « edit » ? C’est désormais possible. Et c’est de la réalité augmentée.

La réalité augmentée, un secteur qui doit se réinventer

Grégory Maubon, spécialiste du secteur de la réalité augmentée, présentait en début de mois une analyse du cycle de Gartner de la technologie. Et oui, car cela fait 10 ans cette année que la RA a fait son apparition.

« La RA est en progression régulière mais reste toujours dans un horizon de 5 à 10 ans pour atteindre le fameux plateau de productivité. Le passage dans la “lumière” est assez rapide entre 2010 et 2011, ce qui correspond assez bien à nos observations ; même si, pour nous, 2009 fut l’année du début de la révélation avec l’apparition d’application telle que Métro Paris, Layar… Grâce à un simple smartphone, il était possible de vivre une expérience de RA. Depuis 2011/2012 on constate peu d’évolution, elle reste dans la vallée de la désillusion », commente le spécialiste.

Pour Grégory Maubon, quant à basculer dans la prospective, certains faits restent à prendre en compte. En première ligne, les concentrations que connait le secteur :« il y a quelques semaines Apple a pris le contrôle de Metaio. En 2014, Blippar avait racheté Layar, et encore avant HP a mis la main sur Aurasma. Si on ajoute à cela les liens Google (pardon Alphabet) / Magic Leap / Qualcomm, les annonces de Intel et de Microsoft (et de Facebook dans un domaine plus tourné vers la VR), on sent que de grands blocs se forment pour imposer des standards. »

Le spécialiste d’évoquer les freins au développement de la techno, au niveau des standards, du logiciel et des terminaux. Mais de conclure sur une note optimiste : « la prise en compte de l’importance de la RA par les entreprises utilisatrices est en progrès, ce qui a conduit la France à placer un axe RA dans le plan “nouvelle France industrielle” en 2013. Au niveau Européen, on peut aussi citer la création de l’AREA cette année. Tout cela montre que la maturité du secteur est (presque) là. »

Un avis – et aussi des réserves – que semblent partager Sylvain Rolland, journaliste « techno » pour La Tribune : « depuis qu’on a décrété, il y a environ cinq ans, que la réalité augmentée serait « the next big thing », l’explosion de ce secteur se fait toujours attendre. Ce qui n’empêche pas les experts et projectivistes de lui prédire des lendemains qui chantent. »

Cet optimisme, on le retrouve dans la conclusion d’une étude du cabinet Digi-Capital, publiée cet été. Selon le cabinet, le marché mondial des technologies de réalités virtuelle et augmentée devrait atteindre 150 milliards de dollars en 2020. Et c’est la réalité augmentée qui pèserait le plus lourd dans cette prospective : 120 milliards de dollars.

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Entrons-nous dans l’ère de la réalité virtuelle ?

Vous avez fait le calcul : selon Digi-Capital, sur un marché global estimée à 150M$, la réalité virtuelle ne représenterait que 30M$ à l’horizon 2020. Une part bien mince pour une technologie – là encore – promise à un futur radieux. Et ce, dans un avenir très proche.

« Le lancement commercial des casques immersifs d’Oculus Rift et de Sony au cours des prochains mois sonne en effet le coup d’envoi d’une diffusion plus large de la technologie. Une révolution dont le succès est pourtant loin d’être assuré. L’absence de contenus et d’usages innovants ainsi qu’une utilisation contraignante constituent en effet des freins majeurs à la diffusion des casques immersifs. D’autant plus que l’émiettement des dispositifs et des solutions entraîne une confusion chez les particuliers. » Voilà les conclusions d’une étude du groupe Xerti de juillet 2015 sur le marché de la réalité virtuelle.

Pourtant une évidence saute aux yeux : avec les sorties des terminaux destinés au grand public de Sony et de l’Oculus Rift, cette fin d’année marquera bien un tournant technologique.

Mais – et on l’a déjà évoqué – si le bon technologique est réel, les freins le sont eux aussi. « Si l’industrie et les services BtoB se convertissent peu à peu, le grand public est à la traîne. Seul le marché des jeux vidéo tire son épingle du jeu », estime Sylvain Rolland.

La raison de cette adhésion pour le journaliste ? Le gamer se soucie avant tout de l’expérience, avant de penser à l’ergonomie. Ce que n’est pas toujours capable de faire le tout-un-chacun. « Le marché de la réalité virtuelle est aujourd’hui là où était celui des smartphones avant l’iPhone », affirme de son côté Frédéric Parisot dans un article pour l’Usine Digitale. Prometteur… mais pas encore assez aguicheur ?

 

 

crédit photo : virtual reality centre, Salford Institute

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