« Il y a des places à prendre sur tous les segments de marché du Serious Game »
ENTRETIEN – Le marché du Serious Game, c’est quoi ? Quelques éléments de réponse avec Laurent Michaud, de l’IDATE, qui interviendra lundi sur la question, lors de la première journée du cycle de conférences organisé par l’Incubateur multimédia Belle de mai.
Nous organisons, lundi 15 novembre, une demi-journée de conférences autour de deux sujets au cœur de l’actualité numérique : la vie privée en ligne, et le développement des serious game, ou « jeux sérieux ».
Pour mieux comprendre ce que recoupe la réalité du marché de ces jeux vidéo d’un nouveau genre, qui combinent intention « sérieuse » (formation, pédagogie, information, communication) et ressorts ludiques issus du jeu vidéo, nous vous proposons cet entretien avec Laurent Michaud, qui dirige le pôle « loisirs numériques » de l’IDATE, cabinet de conseil spécialisé sur les nouvelles technologies.
L’IDATE a notamment produit, à l’été 2010, une étude estimant que le marché du serious game pèserait dix milliards d’euros de chiffre d’affaires à l’horizon 2015 à travers le monde, contre 1,5 milliard aujourd’hui.
Incubateur multimédia Belle de mai : Qui sont aujourd’hui les acteurs du marché du « serious game » ? Et, concrètement, comment construit-on une offre ?
Laurent Michaud : La première observation est d’ordre général : le serious gaming est un secteur en construction, et qui se situe à la croisée de trois grands domaines d’activités plus traditionnels : l’industrie du jeu vidéo, la formation, et l’informatique.
La chaîne de valeur du secteur n’est pas encore parfaitement arrêtée entre tous ces acteurs : quelques entreprises se sont spécialisées sur ce secteur, assez rapidement. Elles prennent en charge le développement, l’édition, la distribution et la vente de ses titres, ce qui contribue à « réduire » la chaîne de valeur traditionnelle du jeu vidéo, ou, même, de l’édition de logiciels. C’est le cas en France des sociétés KTM Advance, Daesign, Succubus, du Groupe Genious.
Très pragmatiquement, la constitution d’une offre de serious game passe par la réunion de plusieurs compétences, habituellement réparties chez plusieurs acteurs différents : il s’agit notamment de faire travailler ensemble des personnes spécialisées dans la création de jeux vidéo – des game designers – et des spécialistes en formation, par exemple.
D’ailleurs, il faut également souligner que l’Etat, via un appel à projets spécialement orienté « serious game », a contribué au développement de ce secteur : une soixantaine de projets, dont quarante sont actuellement en cours de développement, ont bénéficié d’une enveloppe de vingt millions d’euros, mise sur la table par le secrétariat d’Etat à l’économie numérique.
Enfin, notons que les différents acteurs tentent aujourd’hui de se regrouper , dans un think tank informel, le « Serious Game Lab » : il s’agit d’acteurs clefs du marché en France, aujourd’hui.
Incubateur multimédia Belle de mai : Vous prédisez que le serious game « pèsera » un chiffre d’affaires de 10 milliards d’euros en 2015. Ce marché est-il déjà structuré ? Y’a-t-il encore de la place pour de nouveaux entrants ?
Laurent Michaud : Aujourd’hui, le chiffre d’affaires mondial du serious gaming est estimé à 1,5 milliards d’euros, nous tablons donc sur une multiplication par sept, avec une accélération particulière en 2013.
Il y a donc des places à prendre, et ce sur tous les segments de marché du serious game : nous sommes réellement encore au tout début de la construction de l’offre. La « prime au premier » peut jouer, évidemment, mais il faut tout de même la relativiser : Google n’était pas le premier moteur de recherche lorsqu’il s’est créé, cela ne l’a pas empêché de devenir un géant !
Incubateur multimédia Belle de mai : Et du côté de la demande, quel est le principal enjeu ?
Laurent Michaud : Aujourd’hui, le marché est tiré avant par les « grands comptes » : il s’agit de grands groupes industriels, qui passent commande d’un serious game qui aura d’abord et avant tout un usage interne, et quoiqu’il en soit en « one shot ».
Nous pensons que le principal enjeu de développement du marché réside dans une extension vers les petites et moyennes entreprises, voire, également, aux « TPE ». Economiquement, cela se fera du coup sur des modèles différents, reposant sur l’achat de serious game génériques, qui seront utilisés sous licence.
Cette évolution vers des jeux génériques correspond par ailleurs à une tendance de fond du jeu vidéo : Au final, je dirais donc que l’un des principaux enjeux est aujourd’hui de faire prendre conscience aux acheteurs potentiels de serious game que ces derniers sont un élément à part entière qui vient enrichir la palette des outils à leur disposition, lorsqu’il est question de communication ou de formation.
Pour aller plus loin :
> Vous pouvez retrouver le billet décryptant l’actualité de la vie privée en ligne ici.