Le label French Tech : créer une « Silicon Valley » à la française

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Écrit par Kunckler Florian

Le 23 septembre dernier, l’équipe de la communauté Aix-Marseille French Tech finalisait son dossier de candidature pour le label de métropole « French Tech ». L’occasion de se pencher sur ce qu’est réellement l’initiative French Tech : ses ambitions, ses moyens, sa feuille de route. Car le chantier de l’ancienne ministre de l’Innovation et de l’Économie numérique, Fleur Pellerin, est audacieux : plus qu’un simple label adossé à des territoires « d’élite », l’ambition de créer une véritable « Silicon Valley » à la française.

Il y avait la tristement célèbre « French Connection » et la très tendance « French Touch ». Il y aura bientôt l’ambitieuse French Tech. Bientôt ? Certes l’idée a fait son bout de chemin : le label a bien fait parlé de lui dans le vaste univers de l ‘économie du numérique et les candidatures de territoires clés abondent depuis l’ouverture du processus de labellisation, le 1er février dernier.

Mais hormis Paris labellisé d’office, il faudra attendre encore quelques temps avant de voir apposé le coup de tampon « French Tech » sur une région. Construire la Silicon Valley made in France ne se fera pas en un jour !

La French Tech, booster la notoriété de l’innovation numérique française

Qu’est ce qui se cache derrière cet anglicisme accrocheur ? « La French Tech est le nom collectif pour désigner tous les acteurs de l’écosystème de start-ups français », voilà pour la version officielle. « Un étendard commun », précise le ministère. « Cette bannière permet à tous les acteurs qui s’engagent pour les start-ups de se rassembler et de se coaliser pour atteindre une masse critique suffisante et être pris en considération à l’échelle du monde », lit-on sur le site officiel.

La French Tech c’est donc avant tout une marque. Une marque visant à promouvoir les start-ups de l’Hexagone à l’international. Et comme pour toute enseigne, le marketing et la communication tiennent une place importante dans son développement. Autrement dit, il va falloir emballer cette bonne dose de savoir-faire dans une joli paquet doré. Une communication soignée, une présence soutenue sur les réseaux et des infrastructures engageantes. L’Etat a débloqué un budget de près de 15 millions d’€ pour porter la voix de la French Tech dans le monde entier.

Mais tout cela ne serait rien sans un véritable effort pour dynamiser cette innovation à la française. Pour cela, l’initiative du ministère de l’Innovation et de l’Economie numérique du gouvernement Ayrault I s’est inspirée de ce qui fonctionne ailleurs et à moindre échelle en France : les clusters, les technopôles et autres pôles de compétitivité. En gros, créer une synergie autour de territoires naturellement dynamiques.

En l’espèce ça donne ? Le label « Métropoles FrenchTech » qui sera apposé à « quelques écosystèmes particulièrement denses, dynamiques et visibles à l’international. » La recette de ces territoires du numérique ? 1. Englober toutes les start-ups, « toutes les entreprises de croissance porteuses d’une ambition globale : à tous les stades de développement, de la très jeune société en amorçage à la start-up en développement riche de plusieurs centaines de collaborateurs à l’assaut d’un marché mondial ». 2. Les piocher dans un large éventail de secteurs, les pure players évidemment mais aussi tous les domaines en –ntech : medtech, cleantech, biotech… 3. Promouvoir des zones géographiques identifiées rassemblant tous les acteurs via des projets communs, du laboratoire de recherche public à l’entreprise privée. De l’étudiant au CEO.

Attention, ce label ne donnera pas directement accès à des moyens financiers. L’État compte bien investir dans l’innovation de demain (200 millions d’€), mais uniquement via des accélérateurs de start-ups privés, dont l’investissement sera géré par la Bpifrance.

Avec un objectif affiché : « construire un grand mouvement de mobilisation collective pour la croissance et le rayonnement des start-ups numériques françaises. » Bien sûr l’initiative ne manque pas d’ambitions. « Créer la Silicon Valley à la française », lit-on un peu partout. Et selon les propres mots de l’ancienne ministre de l’Innovation et de l’Économie numérique : « tout faire pour que les prochains Google naissent et se développent ici, en France et en Europe ! » Rien de moins.

Comment décrocher le label French Tech ?

Un certain nombre de critères, exposés dans le cahier des charges mis en place par le ministère, définissent ce que devra être une métropole «French Tech ». Que faut-il retenir ?

Un leitmotiv d’abord, qui par dessus tout influencera le choix de membres de la mission French Tech : cela doit être une démarche collective et rassembleuse. L’ensemble des acteurs publics et privés d’un territoire doivent se mobiliser et porter d’une seule voix les ambitions de leur territoire. Voilà pour le dogme.

La mission s’appuiera, bien évidemment, sur des critères plus empiriques. Le premier d’entre eux : les territoires doivent pouvoir compter sur un riche écosystème. Il va falloir démontrer d’emblée que la région possède de fortes prédispositions à devenir un pôle d’envergure mondiale : nombre de start-ups innovantes, qualité et efficacité des structures d’accompagnement privées et publiques, infrastructures dédiées et attractivité du territoire… « Une batterie d’indicateurs est demandée aux collectivités pour mesurer la taille et le dynamisme de leur écosystème dans le temps », précise Marie Jung, journaliste à 01.net.

Il faudra ensuite exposer son projet. Présenter une stratégie de développement sur 3 à 5 ans. « Il s’agit typiquement de répondre à des questions concernant les infrastructures et les acteurs de l’écosystème, leur évolution, leur positionnement, leur localisation ainsi que leur financement », explique la journaliste. Les candidats pourront sur ce point compter sur l’appui des équipes de la mission French Tech pour préciser leur stratégie durant l’année qui suivra leur dépôt de dossier.

Autre critère : multiplier les partenariats public/privé. Chaque territoire devra avoir connecté son réseau de start-ups avec l’université : lié l’entreprise à la formation pour créer des ponts entre étudiants et entrepreneurs. Il en va de même des partenariats avec des accélérateurs de projets. « Les programmes d’accélération ont une place de choix dans le processus de labellisation. Ils visent à aider les start-ups à se développer plus rapidement. Au moins un programme devra démarrer la première année de la labellisation. Les acteurs du projet s’engageront à mettre en œuvre les autres dans les trois ans », poursuit Marie Jung.

Enfin, les candidats sont invités à déterminer dès à présent le mode de gouvernance, stable et durable, de la future entité « Métropole French Tech ».

Quels sont les territoires candidats ?

D’une petite poignée au printemps, le nombre des territoires candidats avoisine aujourd’hui les 15 dossiers déposés.

Pour le sud-est, en plus d’Aix-Marseille, Toulon a déjà rendu son projet « Toulon Ruche Digitale », Montpellier a présenté son « Unlimited Métropole Numérique » et Nice propose la « French Tech Côte d’Azur ».
A l’ouest, le « Ready to Tech ! » de Toulouse concurrence la « Métropole numérique de Bordeaux ». En remontant plus au nord, Brest, Nantes et Rennes se sont lancés dans la course alors que Lille et Rouen représenteront le nord dans le processus de labellisation.

A l’est, on trouve le projet French Tech Sillon Lorrain, grand regroupement de Nancy, Epinal, Thionville et Metz, alors que l’Alsace propose elle un dispositif commun à l’axe Strasbourg-Mulhouse. En Rhône-Alpes enfin, Lyon a été très dynamique dans la construction de son dossier, ce qui ne doit pas minimiser les chances de Saint-Etienne et Grenoble, qui convoiteront également le précieux coup de tampon.

Et la liste ne s’arrêtera pas là : Caen est entrain de constituer un dossier alors que près d’une dizaine d’autres territoires se disent actuellement en réflexion sur un possible dépôt de candidature.
Autant dire qu’Aix-Marseille aura à faire à de nombreux concurrents. Mais il ne jouera pas les figurants : « il y a dans notre région beaucoup de dynamisme. Beaucoup d’énergie qui ne demande qu’à être mobilisée », déclarait Bertrand Bigay, acteur majeur de l’économie numérique à Marseille, fondateur de P.Factory, un accélérateur privé de start-ups. Aix-Marseille sera-t-elle la Silicon Valley à la française ?

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